Par Asif Arif
En ce jour si important pour beaucoup, la fête des Pères mémorise un jour, un instant, un moment, pendant lequel nous allons avoir la chance de passer, en famille, un repas agréable en présence de son père, celui qui nous a donné des valeurs, nous a enseigné le bon sens et la vertu et surtout celui qui nous a toujours soutenus. Ce jour, qui fait généralement mémoire dans les familles, laisse place à de nombreux cadeaux que l’on remet à son père afin de sacraliser le moment avec une forme de transmission de chose à valeur vénale que les us et coutumes nous ont largement enseignées et parfois imposées à rythme calendaire quasi religieux.
Pour ma part, ce jour, j’avais envie de le dédier à mon père, mais pas mon père biologique. Non pas, que je n’ai pas pour ce dernier un quelconque attachement, mais parce que je souhaitais démontrer que la fête des Pères, à mon sens, et pour moi, est vécue tous les jours. Dans la banlieue Londres, loin des regards des médias et des grands cérémonials mondains, se trouve un petit hameau que l’on a nommé Islamabad. Là-bas, y vit un homme qui dirige une communauté de plusieurs millions de personnes à travers le monde. Il ne vit que de maigres moyens mis à sa disposition, ne connaît pas de jours de congé, rencontre sur une base journalière des personnes, voyage sur une base régulière, inaugure des mosquées, inaugure de nouveaux locaux, inaugure de nouveaux sites internet, accompagne la lecture des derniers versets du Coran de tous les enfants qui le finissent, prononce la cérémonie de mariage de plusieurs individus, lit des rapports à longueur de journées, dirige les cinq prières quotidiennes, mène une vie de famille et prie tous les soirs pour tous les pays dans le monde : il s’appelle Hadhrat Mirza Masroor Ahmad et il est le Cinquième Calife de la communauté musulmane Ahmadiyya.
Cela pourrait apparaitre comme très impersonnel, mais je pense que cet homme représente plus qu’un père pour moi. Avant de traiter de tout ce qu’il m’a appris d’un point de vue spirituel, je vais vous indiquer ce qu’il m’a apporté professionnellement. Alors que j’avais à peine 19 ans et que je commençais mes études de droit, le Calife se rendit en France et demanda à rencontrer tous les jeunes enfants dédiés (Waqfine naw) de la communauté en France. Lors de cette rencontre, alors qu’il s’en alla vers la porte de sortie, il me demanda « Monsieur Arif, qu’est-ce que vous allez faire plus tard ? ». Je lui répondis spontanément « du droit ». Il me rétorqua tout aussi spontanément : « Faites du droit international dans ce cas-là ». À ce moment particulier de ma vie, je n’avais pas réellement en tête de faire du droit international et tout au long de mes études je me suis dirigé vers une carrière de droit des affaires. Aujourd’hui, étant en Californie et amené à pratiquer du droit international, il n’y a pas un instant où je ne me rappelle pas cette phrase, que le Calife m’avait lancée « Faites du droit international dans ce cas-là ». Ce fut une de mes premières leçons : suivre les conseils du Calife car ils sont comme des graines que l’on sème et qui poussent à long terme.
Il a également été là lorsque j’étais angoissé. Alors que l’examen du Barreau de Paris approchait à grands pas, je suis allé à sa rencontre. Lors de cette brève entrevue, le Calife me demanda : « Que souhaites-tu faire plus tard ». Je lui répondis que mon examen d’avocat est pour dans quelques mois et que « je suis confiant ». Il me dit alors en souriant « Tiens-moi informé des résultats ». Ma confiance a largement été mise à mal lorsque je lis que j’ai été ajourné à mes oraux après avoir eu de très bons résultats écrits. Je suis alors allé voir une nouvelle fois le Calife afin de l’informer de mon échec. J’avais honte, moi qui lui avais dit plus tôt que j’étais confiant. D’ailleurs, de manière tout à fait singulière, le Calife s’en souvenait. Il m’a rétorqué avec un sourire : « Mais c’est toi qui me disais que tu étais confiant ! ». Voyant ma mine déconfite sur le moment, le Calife, après m’avoir observé quelques secondes, ouvrit son tiroir, y sortit un stylo et me le tendit. Moi, interrogatif, je pris le stylo, et regardais vers lui. Il me dit « quand tu seras avocat, la prochaine fois, et que tu signeras ton premier contrat, signe-le avec ce stylo ». À ma prochaine tentative, je devins avocat et je suis sorti dans les premiers de ma promotion.
Il a été là quand j’étais souffrant. Un jour, j’avais une réunion de bureau avec le Calife. Avant de m’y rendre, j’y ai attrapé un mauvais rhume qui me faisait régulièrement tousser. Au moment d’arriver dans son bureau et lorsque je commençais à lui expliquer les raisons de ma présence, le Calife pris note que je toussais beaucoup. Moi, religieusement, je lisais mes feuilles et me contentais de donner les informations importantes au Calife. À un instant, j’ai eu l’impression que le Calife était occupé à autre chose. Interrogatif, je lève ma tête pour regarder en sa direction : je vois que le Calife s’est tourné en arrière sur sa chaise, et son turban, de dos, s’agite dans tous les sens. Après un instant, le Calife me dit : « Continue ! Pourquoi tu t’arrêtes de parler ». Lorsque je repris ma phrase, il m’arrêta un instant pour me tendre un médicament homéopathie et me dit : « J’ai vu que tu toussais. Tu sais, moi aussi je tousse. Tu dois le voir, parfois, quand je présente mon sermon du vendredi. Prend cela. Cela devra t’aider grandement ». Remerciant le Calife, je pris tout de suite le médicament.
Il a été là quand j’avais besoin de confiance en moi. Alors que je m’étais retrouvé en face d’un imam sunnite très bavard sur les Ahmadis, j’ai dû demander au Calife la permission de faire un débat avec lui. À cet instant, le Calife me regarda tout droit dans les yeux et me dit avec cette détermination qu’il m’a communiqué instantanément : « Bien sûr que tu iras à ce débat. Et tu vas lui montrer quel Ahmadi tu es. ». Je n’ai jamais été saisi par autant de détermination que lorsque le Calife m’a dit cela.
Ce ne sont là que les quelques petites leçons que j’ai apprises de celui que j’ai ici volontiers qualifié de père. Car à l’image de mon père biologique, il était là quand j’avais besoin de lui, il m’a conforté quand j’étais triste, il m’a apporté de la détermination quand j’en avais besoin, il m’a guéri pendant que j’étais malade et il m’a donné toutes les cartes en main pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Il a partagé mes souffrances, mes échecs comme mes victoires. Et il partage les souffrances, les échecs et les victoires des millions d’Ahmadis vivant sur notre planète.
Alors je voudrais te le dire, à toi, lecteur : ma fête des Pères à moi, tu le vois bien, elle est tous les jours. Tous les jours depuis que Dieu nous a bénis avec le système du Califat.
Par Asif Arif @AsifArifMa
Avocat au Barreau de Paris, auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.
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