Par Sarah Cherki El Idrissi
Étonnant d’en arriver là ; de devoir dire, en titre d’un article, que je suis une femme, portant le voile et que je suis libre. La question du voile islamique divise régulièrement la société, donne souvent lieu à des débats passionnés et pourtant nous, femmes portant le voile, principales concernées, sommes très peu conviées dans ces débats. Pourtant, aujourd’hui, avec les récents débats qui traversent notre chère Province du Québec, la question devrait appeler à ce que nous, femmes portant le voile, soyons entendues, une bonne fois pour toutes.
Mais de quoi a-t-on peur au juste ? Le voile, selon ses opposants, est une « marque de soumission » pour les femmes, une pratique rétrograde qui ne reflète pas les valeurs du Québec ; pour d’autres, il s’agit d’une pratique qui n’est pas mentionnée dans le Coran et elle est juste une invention de l’homme et un signe politique de démonstration de l’islam « politique ».
Le voile « marque de soumission »
Dans la religion musulmane, le port du voile ne signifie pas que la femme est soumise à l’homme. D’ailleurs, si cela était le cas, pourquoi le Coran a-t-il enjoint d’abord aux croyants (hommes) de baisser les yeux avant d’évoquer le voile ? Cela démontre une erreur de lecture de beaucoup. Le voile s’inscrit en réalité dans la préservation d’une société et d’un mode de vie modestes : les hommes sont tout autant appelés à préserver leurs parties intimes que les femmes (Coran, 24 : 30). Pour les femmes, en revanche, le Coran utilise le terme Khoumour, pluriel de Khimar, qui désigne le voile selon les dictionnaires de renom, dont le lexique de Lane.
Pour moi, le port du voile était une décision que j’ai prise après une longue réflexion. C’était un choix personnel fait suite à une étude profonde de la sagesse derrière ce commandement de Dieu. Je sais, que la plupart pensent que c’est un moyen pour les hommes de contrôler les femmes. Mais moi, personne ne m’a obligée à le porter et aujourd’hui, personne ne me contrôle. Lorsque j’ai décidé de le porter, je n’étais pas mariée, j’étais en France loin de ma famille. C’était donc un choix personnel fait après avoir médité sur les enseignements de l’islam.
Qu’est-ce que le voile signifie ?
Le voile est d’abord un état d’esprit, un état de spiritualité profonde. Le voile est une modestie dans la manière de pensée avant de se traduire par le style vestimentaire. Et il ne se limite pas qu’au bout de tissu visible avec lequel on se couvre les cheveux, mais s’étend à la présentation générale de la femme. Le voile s’applique également aussi aux hommes, il consiste pour eux à contrôler leurs pensées et à baisser leurs regards. Comme je l’ai mentionné, il est enjoint en premier à l’homme dans le Coran avant de l’être à la femme. Le Coran a en effet d’abord commandé aux hommes de baisser leurs regards et de contrôler leurs pensées avant de commander aux femmes de faire preuve de modestie dans leur apparence. Il n’y a bien sûr pas de style vestimentaire unique pour une femme lorsqu’elle veut porter le voile. Le voile est une manière pour moi de me concentrer davantage sur mon for intérieur.
Un message aux politiques
Les politiques, aujourd’hui, exploitent les craintes des Québécois et leur ignorance des autres cultures et religions pour leurs propres gains. Ils souhaitent détourner l’attention des gens des vrais problèmes que sont la précarité économique et le déclassement social, l’absence d’envie de la jeunesse de s’investir dans le pacte démocratique.
Mais cela ne fait qu’alimenter la haine entre les membres d’une même société et devient un terrain propice de discrimination. Il faut se souvenir de notre humanité commune, s’unir et se focaliser sur des questions plus fondamentales, telles que la pauvreté, l’éducation, la préservation de notre patrimoine linguistique, historique mais dans le respect de la diversité de tous. Au lieu de polémiquer sur le voile et attiser une haine futile, les politiques devraient aider à améliorer la situation des femmes musulmanes dans la société, leur ouvrir des opportunités d’emploi au lieu de les enfermer dans un cercle vicieux de chômage et de discrimination sociale.
Force est de constater, que les débats actuels ne feront qu’accroître les discriminations.
A propos de l’auteure : Sarah Cherki El Idrissi est doctorante en systèmes d’information de gestion à la Faculté d’administration des affaires (FSA ULaval) à l’Université Laval à Québec, Canada. Elle a reçu un master en Ingénierie des Systèmes d’information de Télécom Ecole de Management SudParis et a travaillé comme consultante en systèmes d’information pour le compte de clients dans le secteur public en France. Sa recherche couvre la conception, l’utilisation et l’impact des systèmes d’information sur le développement durable.
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